Retour en Occident

Des temples hindouistes qui abritent de magnifiques statuts de bouddha, des bâtons d'encens allumés par les mêmes mains dans les temples taoïstes et confucianistes, des hindouistes célébrant l’Iftar avec leurs voisins musulmans, et des mulsulmans se joignant aux chants des "Puja" hindouistes… J’entendis pour la première fois le mot « syncrétisme » au Bangladesh. Je pouvais enfin mettre un mot sur cette situation inhabituelle, une situation qui me troublait. J’avais auparavant une vision simpliste de la notion de "pays" et de sa population, une vision qui était le fruit de l’école d’une République qui nous apprend que la Nation est consolidée par une culture et une langue commune. Au Bangladesh, je découvris un monde complexe créé par des influences, des croyances et des traditions multiples, hindouistes, bouddhistes, musulmanes ou encore chrétiennes. Un monde à la croisée des religions et des aires culturelles.

Alors que j'étais à nouveau en Inde cet hiver, je me surpris à penser à ce jour où je pris conscience du syncrétisme. J'étais alors au Kérala, une autre région où cohabitent, plus ou moins en harmonie, les grandes religions monothéistes et polythéistes du monde. Un très beau voyage sur lequel je reviendrai dans de prochains articles...

Emmitouflés dans nos principes et certitudes comme dans du coton, nous percevons le monde selon les référentiels qui nous ont été transmis, dans le cercle de la famille, à l'école, dans notre quartier. Nous sommes convaincus que la réalité du monde ne peut être autrement. La réalité telle que nous l’aimons est immuable.

Forts de nos convictions, nous estimons que nous pouvons juger, nous étonner ou nous offusquer, nous sentir blessés ou trahis par ce qui diffère ou, pire, s’oppose à la Réalité du monde dans laquelle nous nous complaisons. Nous nous laissons ainsi emporter par la linéarité d’un chemin bordé de murets qui nous réconfortent et nous protègent de toute chimère ou fantasme qui viendrait nous ébranler et mettre à l’épreuve nos convictions.

 Et si les murets de ce chemin venaient à se courber et à fléchir par le poids de notre curiosité et d'envie de découverte de nouveaux horizons ?

 Les subterfuges à la réalité sont multiples et tous relèvent du sensible. Baudelaire nous invite à nous enivrer « de vin, de poésie, de vertu, à [notre] guise », et nous invite aussi au voyage… c’est ce dernier  subterfuge qui s’est imposé à moi, comme une prédiction de la Pythie. Je n’ai à aucun moment choisi l’expatriation, je me suis laissée portée par mes envies et la curiosité, au gré des rencontres et des opportunités.

Une bonne dizaine d’années d’expatriation, et un chemin parsemé de voyages ponctuels depuis l'enfance. Et jamais une ligne je n’ai encore écrite, ou si peu. Difficile de verbaliser mon étonnement ou mes réflexions lorsque celles-ci sont en perpétuelle évolution. Je suis aujourd’hui de retour en France. Un retour comme un nouveau voyage, la France comme une nouvelle destination sur laquelle je pose un regard neuf, un regard enrichi de toutes mes expériences passées.

Ce blog pour poser, enfin, un regard étonné sur toutes les réalités du monde, et pour en inventer de nouvelles...